LA VIE, SOURCE D’ÉNERGIE

D’une saisissante beauté visuelle, le premier film de ce jeune réalisateur porte à la fois un formidable message de vie tout en se faisant, métonomyiquement, l’état des lieux d’un continent tout entier. C’est puissant, brillant et bourré de vrais grands moments de cinéma.

On ne peut pas dire que le cinéma malgache soit envahissant sur les écrans de la planète. Moins de films venus de Madagascar en 50 ans que de français en 6 mois, le constat est d’autant plus amère que certains d’entre eux sont toutefois parvenus à franchir les mers et océans pour être montrés lors de grands festivals. Ce fut le cas de ce très beau « Disco Afrika » qui participa au Berlinales en 2024.

Le cinéaste Luck Razanajaona nous emmène dans son île, ce poumon vert de l’Océan indien, ce pays de forêts d’émeraude mais où il est plutôt question de saphirs. Un jeune ado de 20 ans, Kwame, passe ses jours à conquérir les fameuses pierres précieuses dans des mines clandestines. Jusqu’au jour où une tragédie se déroule sous ses yeux et dont il réchappe par miracle. Il décide alors de rejoindre sa ville natale où il retrouve les siens. Ressurgit alors un passé opaque qu’il cherche à éclaircir : les conditions dans lesquelles son père a trouvé la mort…

Des images d’une beauté étourdissante

C’est à la fois un très bel hommage à son pays et un constat social désespéré que propose le cinéaste dont c’est le tout premier long-métrage. Mais le propos ne va cependant pas basculer vers un quelconque misérabilisme, la beauté fulgurante des images vont venir cueillir le spectateur sans pour autant verser dans le dépliant touristique. A cette occurence se greffe une contagieuse ode à la vie, cette vie qui communie avec cette nature en perpétuel renouvellement, cette vie, ce « seul luxe ici-bas » cher à Georges Brassens dans « Mourir pour des idées » dont le texte tout entier pourrait servir d’accroche à ce film. La vie d’aujourd’hui que nourrit celle d’hier, sans pathos, sans non plus de coups d’éclat, avec cette dignité (mais sans résignation) dont savent se parer ceux qui ont souffert dans leur sang et dans leur âme. Aucune nostalgie non plus, en dépit de son titre (mais attention le disco en question n’est pas ce que l’on peut imaginer), ne vient plomber le propos.

De purs moments de cinéma

« Disco Afrika » nous emmène par ailleurs dans un autre monde, celui du cinéma. Luck Razanajoana, qui a étudié le 7ème art au Maroc, a tout compris de la différence notable qui réside entre filmer et faire un film. Son film nous offre en effet de magnifiques moments de pur cinéma grâce à une maitrise du plan. On retiendra cette terrible séquence (sans la dévoiler) qui va précipiter le départ du jeune garçon et qui glace le sang non seulement parce qu’elle est épouvantable mais aussi et surtout parce qu’elle est magistralement filmée. Les plans du port et ses énormes containers de plusieurs mètres de haut et au pied desquels bossent les jeunes qui ont eu la chance d’y trouver un job sous-payé viennent appuyer cette domination, cet écrasement de la société sur les plus désoeuvrés et dont l’unique échappatoire est de courber l’échine, quitte à la redresser lorsqu’on se retrouve dans ce cocon familial qui sait guérir toutes les blessures. Les séquences du jeune garçon avec sa mère sont bouleversantes de simplicité car elles sont un livre ouvert de leur passion réciproque. C’est également cette sincérité, celle qu’on ne peut cacher, celle qui ne sait et peut pas mentir mais qui ne fait jamais longtemps illusion lorsqu’elle est factice, qui insuffle à ce film magnifique toute sa force vitale, sa pugnace détermination.

Ce réalisme, cette sincérité, cette force de vie n’auraient probablement pas été aussi puissantes sans l’engagement de tous ces comédiens non professionnels. Après le récent triomphe du Guinéen Abou Sangaré dans le magnifique « L’histoire de Souleymane », on ne peut que souhaiter au jeune Parista Sambo la même destinée. Il est un magnifique Kwame.

Franck BORTELLE

Actuellement sur les écrans des cinémas Canal Olympia, « Disco Africa » a été présenté en avant-première en présence du réalisateur Luck Razanajaona le 4 mars.

Disco Afrika (2024, 1h35), de Luck RAZANAJAONA
Scénario François HÉBERT · Marcelo NOVAIS TELES · Ludovic RANDRIAMANANTSOA · Luck RAZANAJAONA

Avec : Parista SAMBO, Laurette RAMAWSINJANAHARY, Joe LEROVA,
Drwina RAZAFIMAHALEO, Jérôme OZA

Image Raphaël O’BYRNE
Son Julien VERSTRAETE
Décors Florence DUMONT
Costumes Sandra RAJAONARIVO
Producteurs exécutifs Jonathan RUBIN · Herizo RABARY RAZANAMASY
Montage Marianne HAROCHE · Patrick MINKS
Musique Pierre GRATACAP

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