OSER DÉCHIRER LE LIVRE…

Cybelline De Souza livre un puissant plaidoyer contre les violences conjugales dans un spectacle sans concession et puissamment frontal sans se départir toutefois de gestes hautement symboliques. Dans une mise en scène parfois très cinématographique, la comédienne en solo nous plonge dans un cauchemar éveillé hautement recommandable.

Déchirer des livres. Un geste aussi sacrilège que celui de les brûler à l’instar des pompiers dans « Fahrenheit 451 » de Ray Bradbury dont François Truffaut réalisera un de ses films les plus personnels. Symboliquement, car il faut ainsi le considérer, cet affront fait aux bibliophiles n’est jamais que le geste qui sauve et met fin à un passé qui n’aurait jamais dû exister. Le passé d’une femme battue, humiliée, ensanglantée, détruite par celui qui continue à lui déclarer son amour après l’avoir couverte d’ecchymoses. Le livre d’une vie dont on ne se contente pas de tourner les pages pour en oublier les chapitres douloureux car le retour en arrière est toujours possible, trop souvent fréquent. On le détruit et on en démarre un nouveau…

DU CINÉMA AU THÉÂTRE

Une enfant est témoin des violences que fait subir son père à son épouse. L’escalade jusqu’au point (poing ?) de non retour, la terreur de voir sa dernière heure venue. Avec un texte qui aborde de manière frontale et sans fioritures ce drame conjugal, la comédienne Cybelline De Souza se glisse dans la peau de ce personnage qui vit l’horreur au quotidien. La mise en scène parfois très cinématographique fourmille d’idées, des effets miroirs comme pour oser regarder la triste réalité en face aux traversées de cloisons traduisant la nécessité vitale d’en finir, puissamment soutenue par des éclairages qui soulignent dans un expressionnisme radical l’horrifique occurence des mots et des maux. Et si l’espoir surgit de cette quasi métamorphose (car c’est une de passer de l’état de victime à celui d’une croqueuse de vie), la fin du spectacle, qui en intriguera plus d’un, n’oublie pas de rappeler ce que ces siècles d’infinie soumission ont engendré de souffrance à cette moitié de l’humanité à laquelle Marivaux accordait une indiscutable supériorité…

Franck BORTELLE

« Que nos voix résonnent » avec Cybelline De Souza.

Vu à l’Institut français du Togo. Prochaine représentation : le 03 décembre à 20h à l’espace Fiôhomé.

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