
UN PREMIER LONG PROMETTEUR
Venue présenter son premier long-métrage dans l’auditorium de l’IFT, Mimi Bossou-Soedjede a offert un film qui, certes, n’est pas dépourvu de maladresses, mais affiche d’indéniables qualités qui augurent de belles suites. Ça tombe plutôt bien puisque ce film se veut le premier d’une trilogie ainsi que l’a annoncé la réalisatrice au cours du débat soutenu qui a suivi la projection.
De nombreux spectateurs, par peur probablement de déchanter sous la pluie, ont déclaré forfait alors que le service de comm de l’IFT avait annoncé « complet » plusieurs jours avant la projection. C’est donc dans une sale loin d’être archi-comble que s’est tenue la projection du tout premier long-métrage de la réalisatrice Mimi Bossou-Soedjede. Drappée dans une somptueuse tenue émeraude, la couleur de l’espoir, elle a affronté le public après la projection de son « Abalo et Afi ».
Nous sommes dans les rues de Lomé. Deux jumeaux sont lâchés dans la nature sans un sou et doivent se débrouiller, après avoir été chassés de leur village car leur mère, qui s’est enfuie au Ghana, a été suspectée de sorcellerie ayant entrainé la mort d’un enfant. Très vite, ils sont pris en charge par des équipes associatives et découvrent la dure réalité d’un terrain dont ils ne soupçonnaient rien et faite de trahison, de violence et pire encore…

IL Y A CHEF-D’OEUVRE ET CHEF-D’OEUVRE…
Le mot « chef-d’oeuvre » a résonné à deux reprises dans les interventions du public. Soyons réalistes car cela par ailleurs ne sert pas celui ou celle qui reçoit ce jugement bien péremptoire : non, « Abalo et Afi » n’est pas un chef-d’oeuvre, loin s’en faut. Bourré de maladresses, il est tout simplement le premier film d’une réalisatrice qui a tout mis pour parvenir à bout de son projet, avec tout ce que cela suppose d’investissement personnel, physique et moral, financier, temporel. Personne, en dehors d’Orson Welles avec « Citizen Kane » n’a réalisé un chef-d’oeuvre avec son tout premier film. Essayons de nuancer donc ce propos…
SINCÉRITÉ ET DIGNITÉ
Des qualités, « Abalo et Afi » n’en manque pas, indéniablement, à commencer par sa puissante sincérité. On sent l’investissement personnel de la cinéaste et scénariste qui par ailleurs réussit ce qui constitue peut-être l’atout majeur de son film : la dignité donnée à ses personnages. Ces oubliés de la société, ces enfants des rues qu’on rabroue si facilement lorsqu’on est à un feu rouge et qu’ils cherchent à passer un coup de chiffon sur nos pare-brise, ont ici la parole, sont mis en lumière. Sans misérabilisme, ce qui leur confère précisément cette dignité et pare le propos d’une touche d’espoir. Ajoutée à cela, une tension palpable que la cinéaste a su faire sentir et qui sert de moteur à son propos et qu’incarnent brillamment les comédiens, tous dirigés avec rigueur et précision.
UN SCÉNARIO CHAOTIQUE
Là où le bât blesse, en revanche, c’est davantage au niveau du scénario où les deux personnages ne sont pas toujours la colonne vertébrale narrative du film comme devrait le suggérer le titre (« César et Rosalie », « Nelly et Monsieur Arnaud » ou encore « L’Effrontée » pour ne citer que ces trois-là ont tous pour pivot central les personnages de leur titre et auquel se rattachent des protagonistes qui pourraient être modifiés sans que le drame des personnages-titre en soit totalement chamboulé). En ouvrant son film sur une séquence totalement hors propos avec de surcroit une voix off plombante, on se prend à craindre le pire. Fort heureusement, le film prend sa vitesse de croisière dès qu’arrivent les enfants dans cet enfer urbain. Quelques cadrages et parti pris colorimétriques demeurent également plutôt maladroits.
Film politique malgré lui mais qui opte pour la résilience plus que la polémique, « Abalo et Afi » constitue donc une assez bonne surprise dans le paysage du cinéma de fiction togolais. On espère donc cette suite promise par l’auteure elle-même…
Franck BORTELLE

