« NOUS N’ÉTIONS PAS DANS LE JEU MAIS EN MISSION« 

C’est un accueil très chaleureux qui a été réservé à l’acteur sénégalais ce vendredi 21 mars dans le cadre de la projection du film « Ni chaîne ni maîtres » de Simon Moutaïrou. Ibrahima Mbaye y tient le rôle principal. Un beau moment de partage a suivi…

« Ni chaînes ni maîtres » : le titre est à lui seul un manifeste, un cri. Comme un écho au « Ni dieu ni maître » des anarchistes ou au « Ni pute ni soumise » des féministes. C’est aussi une exhortation à prendre une parole qui ne leur a jamais été donnée. Eux, ce sont les esclaves qui, au 18ème siècle, dans cette île qui allait devenir le paradis des touristes, Maurice, subissaient les pires vexations, humiliations, mutilations des colons blancs venus y exploiter la canne à sucre.

Le cinéaste, également scénariste de renom (nommé aux César pour « Boite noire ») et d’origine béninoise, va dresser un état des lieux saisissant de cette situation mais en se plaçant du côté des victimes. Son film, d’une beauté esthétique époustouflante qui pourtant ne parasite jamais le message vitriolé qu’il véhicule, nous plonge dans la vie d’un père qui part à la recherche de sa fille qui s’est enfuie de la plantation. Cette quête, qui deviendra aussi initiatique, se termine d’une manière vertigineuse, prouvant qu’il ne faut jamais bâcler les derniers instants d’un film. Entre film d’aventure et drame intimiste, entre récit historique et puissance des sentiments filiaux, le cinéaste livre une oeuvre forte, riche, parfois très violente. Entouré de comédiens très investis, il réussit son passage derrière la caméra avec un vrai brio.

La fierté d’un père

C’est précisément le comédien principal qui était présent ce vendredi soir pour parler de son expérience. Accueilli comme un prince, il a tout d’abord été salué par son confrère Issaka Sawadogo qui été présent à Lomé pour la projection des « Trois lascars » quelques jours plus tôt et qui joue également dans « Ni chaînes ni maîtres ». Puis il s’est livré au jeu des questions-réponses. Mais une surprise attendait les spectateurs et pas la moindre. En effet, le père d’Ibrahima Mbaye, togolais d’origine, était présent et a pris la parole pour saluer son fils et la fierté de le voir aujourd’hui en haut de l’affiche. Un beau moment de complicité. A la question de ce qui l’a poussé à accepter ce rôle difficile, le comédien a été très direct : « Nous n’étions pas dans le jeu mais en mission ». Une réponse qui ne pourra surprendre que ceux qui n’auront pas vu le film. On sent en effet l’investissement bien au-delà du simple métier d’acteur. C’est une profession de foi, un devoir de mémoire auxquels se sont livrés les comédiens africains dans ce film.

Libéré d’un fardeau

Il leur a d’ailleurs fallu beaucoup de courage et d’abnégation pour parvenir à un tel résultat. Sept personnes se sont retrouvées à l’hôpital car à force de courir sur de la pierre, les blessures étaient trop douloureuses. Et la fin du tournage s’est avérée, ainsi que nous l’a dit Ibrahima Mbaye, une totale libération. « Libéré d’un fardeau », dit-il. Poids d’un tel film sur les épaules, poids de la crainte de ne pas parvenir au bout du tournage (on ne compte pas les aléas dans la fabrication d’un film)… Mais la ténacité a payé et aujourd’hui, « Ni maîtres ni chaînes » existe et bien que très injustement boudé aux Césars (pas la moindre nomination), il a attiré près d’un demi-million de spectateurs en France. « C’est un film qui porte l’histoire de nos ancêtres », a conclu le comédien. Espérons que les Africains lui accorderont le même accueil qu’à Lomé…

Franck BORTELLE

« Ni chaînes ni maîtres » de Simon Moutaïrou avec Ibrahima Mbaye, Camille Cottin, Benoit Magimel, Anna Thiandoum, Félix Lefebvre, Vassili Schneider.

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