C’EST JACQUES BREL QU’ON ASSASSINE

Du choix des chansons aux prestations vocales, des balances sonores aux accoutrements vestimentaires, la laideur a largement dominé cette soirée qui se voulait un hommage à la chanson francophone. Jacques Brel a dû provoquer un tsunami aux Marquises à force de retournements dans sa tombe. L’amateurisme dans ce qu’il a de plus pathétique…

Il s’agissait de passer une soirée festive, de voir le public se lever, chanter et danser au son des tubes incontournables dont serait persillé le programme. La fête s’annonçait grandiose. En démarrant sur « Une femme amoureuse » de notre indéboulonnable Mireille Mathieu, l’enjaillement cher aux Ivoiriens s’en prenait déjà un bon coup dans l’aile dès le lever de rideau. Sans parler qu’en terme de chanson francophone, il eut été plus astucieux d’éviter un titre américain traduit (« A Woman in love » immortalisé par la stressante Barbra S.). Dans une parfaite logique, c’est l’extrait « Laissons entrer le soleil » de la comédie musicale américaine « Hair » qui lança Julien Clerc dans les années 70 qui clôtura ce show fourre-tout plus proche du mauvais en tout que du bon à rien.

C’est le très symbolique « Aïcha » (Jean-Jacques Goldman-Khaled : l’accord parfait pour un hymne à la beauté féminine…) qui succéda et fit l’objet d’une prestation très honorable, en dépit d’un chanteur qui se prenait les couilles douze fois à la minute (jacksonnite aiguë, moonwalk en moins ?). Une lueur d’espoir que la fête démarre vraiment. Bien vite étouffée lorsque fut entonné le mollasson « Jardin d’hiver » d’Henri Salvador (chanson au demeurant magnifique signée du duo Keren Ann-Benjamin Biolay et qui relança la carrière de l’octogénaire auteur de « Zorro est arrivé ») avec une interprétation correcte mais sans surprise et qui fit bien vite retomber le soufflet. Alors qu’il suffisait de taper dans le répertoire pléthorique du célèbre Guyanais pour y trouver entre autres « Le blues du dentiste » autrement plus festif…

DEUX PIAF : UN DE TROP

La Môme Piaf fut bien sûr à l’honneur avec deux titres. Un de trop. « La vie en rose », vraiment réussi aurait suffi et cet « Hymne à l’amour » plus gueulé que chanté qui avait de quoi faire saigner les tympans aurait pu céder sa place à plus d’un titre… Ne jamais confondre vagissements et expressivité… Jacques Brel et son incontournable « Ne me quitte pas » prit la forme d’un massacre en règle avec un texte escamoté et ce malgré une présence massive de tablettes jouxtant les micros et affichant les textes des chansons.

UNE FRANCOPHONIE À GÉOMÉTRIE VARIABLE

L’arrivée du très francophone hit « Maldone » de Zouk Machine amorça un nouveau début de liesse, opérant une éjection massive des sièges de tous les corps pris par le démon de la danse (merci Etienne D.!). Sauf que « Ma philosophie », tube unique d’Amel Bent, fit bien rapidement se rasseoir tout le monde. Oui, il valait mieux être assis pour croire ce que l’on entendait). Le texte escamoté et mieux maîtrisé par les choristes que la chanteuse, la voix totalement absente lors des couplets et des râlements bien gutturaux pour les refrains : un mélange aussi étrange que celui d’enchainer avec ce parangon de niaiserie signé pourtant Luc Plamondon (auteur de « Starmania » tout de même !) et qui se veut une comédie musicale pédagogique parce qu’inspirée du chef-d’œuvre de Victor Hugo, « Notre-Dame de Paris ». Ils n’étaient pas moins de trois pour orchestrer un massacre. Chapeau bas comme dirait Monique Serf…

Deux équipes se succédaient et à l’intérieur de chacune, les rôles changeaient pour laisser à tous le loisir de s’exprimer. Pas stupide en soi, le principe aurait atteint son plein rendement avec un peu moins d’amateurisme et un meilleur choix des titres.

Bref, pour une soirée rythmée, on repassera. Malgré des musiciens efficaces, le show s’est enlisé dans une forme de guimauve, laissant majoritairement les spectateurs dans une léthargie totale. Où étaient donc passées ces fleurons de la chanson francophone sur lesquels des générations ont dansé ? Où étaient Véronique Sanson, Michel Berger, France Gall, Daniel Balavoine, Hoshi, Michel Polnareff, Alain Souchon, Etienne Daho, Mylène Farmer, Jean-Louis Aubert, Renaud, MC Solar, Serge Gainsbourg, Rachid Taha, Zazie, Francis Cabrel et tant d’autres, jusqu’à Brassens, moult fois repris dans des versions ska, rock et même pogo ?

Taisons les accoutrements vestimentaires car comme le chantait Françoise Hardy, « Tirez pas sur l’ambulance » et contentons-nous de laisser le mot de la fin à Barbara : oui, avant le final, « elle fut longue la route »…

Franck BORTELLE

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