ELLE COURT, ELLE COURT, LA BANLIEUE

Dopé à la bonne humeur et bourrée de répliques hilarantes, le tout premier long de Martin Jauvat, également comédien, est une surprise qu’ont pu découvrir les spectateurs de l’Institut français mercredi soir.

L’actualité sportive aura encore une fois mis à mal la fréquentation à l’Institut français mercredi soir pour la première projection de la rentrée. Trente malabars courant après un sac de vent pour le planter derrière une ligne blanche auront toujours raison face au cinéma, qui plus est un premier film n’ayant pas attiré les foules lors de son exploitation dans l’Hexagone.

C’est bien sûr dommage et espérons qu’une nouvelle projection, une fois terminé l’événement sportif, permettra de donner une seconde chance à ce petit bijou de comédie française. Notre Monsieur Loyal Israël Tounou l’a en tout cas évoqué lors de sa présentation.

Classique et original

Deux jeunes partent dans une autre banlieue que celle où ils résident pour y effectuer une « course pas très légale ». Personne au rendez-vous. Ils errent quelques temps puis, galère, se retrouvent en carafe à 50 bornes de leurs pénates : incident technique sur le train de banlieue. Leurs pas vont les mener vers une étrange pierre dont ils vont chercher à savoir ce qu’elle vaut…

Si la structure du scénario s’avère archi-classique (un objet servant de fil conducteur à tout un film, René Clair en avait déjà fait l’utilisation dans « Le Million » en 1931), si le dialogue lorgne irrésistiblement à la fois vers Blier (« Les Valseuses »), Salvadori (« Les Apprentis ») voire Chatilliez (« La vie est un long fleuve tranquille ») et Dupieux (« Mandibules ») voilà toutefois un film qui ne manque pas d’originalité.

Loin des ambiances mortifères de « La Haine » ou « Les Misérables » qui n’en finissent pas de décrire la banlieue comme le lieu de toutes les perditions, « Grand Paris » nous plonge certes dans un univers morose mais un morose fluo. Fagoté en Adidas et Nike aux couleurs criardes, les deux anti-héros (magnifiquement campés par Mahamadou Sangaré et Martin Jauvat) nous entrainent dans une espèce de road-movie sous cannabis, barré juste ce qu’il faut et laissant échapper des questions bien plus profondes qu’il n’y parait. Une fois planté le décor, le cinéaste va en effet parler d’amour, d’amitié, d’avenir avec une tendresse infinie pour ses personnages dont les errances parfois bucoliques sont accompagnées d’une musique quasi romantique à la Francis Lai.

Résolument positif

En privilégiant un optimisme assumé, Martin Jauvat dresse un état des lieux tout en douceur mais sans pour autant en minimiser la réalité. Ainsi un train de banlieue annulé (un classique en région parisienne), des plans d’abribus dans un décor urbain quasi anonyme à force d’être la copie conforme de centaines d’autres.

Si l’on excepte la relative facilité scénaristique qui conduit les personnages au bord de la mer (vus des dizaines de fois dans le cinéma français de « Tenue de soirée » à « Un homme et une femme ») et ce crochet vers le fantastique qui n’apporte pas grand-chose au propos, voilà un premier film bien fichu, drôle et prometteur lorsqu’on sait qu’il est le travail d’un jeune de 27 ans…

Franck BORTELLE

« Grand Paris » de Martin Jauvat (2023) était projeté mercredi 20 septembre à l’Institut Français du Togo.

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