TANT DE MURS À ABATTRE…

Un film débordant de vitalité et d’énergie mené par de remarquables interprètes viscéralement habités par leurs rôles. Un très beau travail, parfois un poil trop bavard cependant, que rehausse un sens du détail quasi entomologiste. Entre Peter Weir (« Le Cercle des poètes disparus » 1989) et Laurent Cantet (« Entre les murs », 2008 et « L’Atelier » 2017)


Une vieille Marocaine, son sac de provisions à la main, dans une venelle de Casablanca, tente de se frayer un passage au milieu d’adolescentes en liesse à la perspective de devenir rappeuses.
Ce plan très court (mais il n’est pas nécessaire d’être long pour être efficace) qui ne manqua pas de susciter quelques rires lors de la projection à l’institut Français ce samedi 25 mars, résume de manière quasi métonymique tout le propos de ce beau film. Le passé et la tradition, infatigablement, se battent pour perdurer et avancer. Mais l’édifice se fissure, la carapace commence à craquer comme les os d’une vieille arthritique. Une force vive émerge et il faut bien composer avec…


LES MODERNES ET LES ANCIENS


Cette dichotomie est omniprésente dans « Haut et fort ». Le cinéaste Nabil Ayouch va en effet, à travers l’histoire de cet ancien rappeur, qui, dans un centre culturel, va mener des jeunes, dont plusieurs filles, à s’exprimer par cette musique quasi blasphématoire, faire à la fois se télescoper et fusionner les opposés. Un plan furtif sur cette apanage de la modernité qu’est le tramway flambant neuf de Casablanca traversant l’écran associé à ces images des quartiers populaires, la rage de s’exprimer des jeunes et la pugnacité des anciens à les faire taire, l’incursion (perçue comme une intrusion) de femmes dans une activité hautement masculine, l’appel à la prière au moment où les discussions vont bon train sur les projets de l’équipe (un des moments forts du film)…


En filmant caméra à l’épaule avec une mise en scène quasi documentaire qui métaphorise l’urgence de faire bouger les lignes, le cinéaste nous plonge au coeur de son propos autant qu’en évinçant toute idée de faire du cinéma contemplatif ou béatement touristique. Les thématiques sont abordées de manière frontale, sans tergiversation et avec un réalisme à toute épreuve. Il est pour cela soutenu par une équipe artistique de premier choix, Anas Basbousi en tête qui livre une performance cinq étoiles.

Deux réserves toutefois (ou plutôt deux bémols…). Une tendance à la logorrhée rend parfois la lecture des sous-titres difficile là où il aurait été aussi judicieux de faire parler les regards et les silences. Quant au final, on le voit venir un peu trop tôt et de loin. Mais la beauté esthétique du tout dernier plan où le titre du film prend tout son sens excuse sans coup férir cette absence de surprise.


Franck BORTELLE

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