AU CŒUR DU MENSONGE

Une comédie dont le sujet aurait pu provoquer des tsunamis de quiproquos plus ou moins lourdingues mais qui va plutôt prendre la tangente et creuser un sillon plus inattendu, celui du film social un peu vachard perfusé à la drôlerie et à la délicatesse. Difficile d’imaginer que les Américains ne s’emparent ce cette idée géniale (qui a remporté le prix du public lors du dernier festival de l’Alpe d’Huez) pour l’accommoder à leur sauce…

Un écrivain aussi célèbre que désabusé et dont le téléphone portable est le prolongement de sa main embauche un imitateur pour répondre à sa place à tous les appels qui l’empêchent de se concentrer sur son nouveau roman. L’heureux élu, d’origine africaine et artiste vivant difficilement de son art, va jouer le jeu à fond, voire un peu trop…

Une idée de départ absolument géniale et laissant supposer des barres de rires toutes les trente secondes. Sauf que les connaisseurs du cinéma de Fabienne Godet auront tôt fait d’imaginer tout autre chose et à raison. La cinéaste à laquelle on doit notamment les excellents « Sauf le respect que je vous dois » (puissant réquisitoire sur le monde du travail) et « Une place sur terre » (un des plus beaux rôles de Benoît Poelvoorde) n’a pas cédé à cette facilité consistant à faire se gondoler une salle durant 90 minutes. Son cinéma creuse toujours la matière humaine, la plaçant au premier plan de ses sujets, disséquant chacun de ses personnages avec une acuité d’entomologiste.

Des personnages très travaillés

Il ne faut donc pas attendre avec ce « Répondeur » qui provoque des avalanches d’inévitables péripéties qu’il laisse sur le bas-côté l’étude des personnages. Qu’il s’agisse de l’écrivain (formidable Denis Podalydès), du « répondeur » (Salif Cissé tout en délicatesse) ou des personnages secondaires (la sublime Aure Atika en tête), chaque protagoniste fait l’objet d’une attention scénaristique toute particulière, offrant à l’ensemble une tonalité certes humoristique mais également un charme indéniable. Les gags ne relèvent pas de l’artillerie lourde mais du petit détail qui fait dérailler un train-train jamais lancé à vive allure : on privilégie toujours la partition allegro ma non troppo à l’agitato, ce qui n’empêchent pas quelques francs éclats de rire provoqués par cet énorme canular.

Dans l’air du temps

Ni comédie burlesque, ni vraiment comédie romantique (que pourrait sous-tendre l’idylle entre l’imitateur et la fille de l’imité), ce « Répondeur », qui fait s’attirer les opposés de manière très inattendue, constitue donc une vraie bonne surprise. On est loin des pitreries des années Molinaro et Zidi. L’air du temps s’invite également dans la partie et il serait vraiment dommage de louper l’appel que lance ce délicieux répondeur…

Franck BORTELLE

« Le répondeur » (2025) de Fabienne Godet avec Denis Podalydès, Salif Cissé, Aure Atika.

Durée : 1h40

Actuellement sur les écrans de cinéma

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