INTEMPORREL ET ENVOUTANT

Le Nigérian  C.J. ‘Fiery’ Obasi propose une oeuvre d’une grande beauté esthétique filmée en noir et blanc et dans laquelle, tout en ancrant le propos dans une tradition bien connue des Africains de l’Ouest, le mène, grâce à un scénario très construits, sur les chemins de l’universalité. Une vraie réussite.

Un village de l’Afrique de l’Ouest totalement reculé sans électricité, sans eau, sans hôpitaux ni école. On y croit encore aux bienfaits prodigués par Mami Wata, une sorte de déesse des océans. La représentante dans le village de cette divinité, celle qui sert « d’intermédiaire », voit son pouvoir diminuer à la mort d’un jeune garçon. Il est temps de passer le relai. La succession s’avère difficile car la fille désignée se montre récalcitrante à perpétuer la tradition. Sur ces entrefaites, arrive de la mer un certain Jasper qui semble apporter la bonne parole. Il n’en sera rien…

Une heure et demi durant, le cinéaste va décliner le thème du télescopage à tous les niveaux. Il va bien sûr être question d’une révolte des Anciens et des Modernes à l’africaine et qu’incarne la mère face à ses deux filles qui préfèrent chevaucher des motos et fumer des cigarettes que de se livrer à des facéties d’un autre temps. Mais on va également assister à bien d’autres contrastes qu’il faut faire cohabiter, qu’il s’agisse de la terre et de la mer, des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux.

Pour ce faire C .J. ‘Fiery’ Obasi prend un parti esthétique radical en optant pour le noir et blanc, symbole d’intemporalité. Le travail accompli sur l’image donne un rendu tout à fait exceptionnel, notamment lors des gros plans sur les visages (mention particulière aux sublimes maquillages) et les scènes de nuit.

UN SCÉNARIO BÉTON

Bien que le film baigne dans cette tradition bien connue de Conakry à Lomé en passant par Ouaga et Abidjan, il n’en demeure pas moins une authentique oeuvre de fiction grâce à un scénario très bien construit. Cette histoire ainsi racontée permet d’intéresser un public aussi bien africain qu’occidental car destinée à tous types de publics.

Doté par ailleurs d’un message politique fort que métaphorise le personnage de Jasper et disant en substance qu’un homme reste un homme dès l’instant qu’une once de pouvoir lui est accordé, ce beau film, qui dit à mots à peine couverts tous les méfaits du colonialisme et de l’intrusion, notamment religieuse (avec ce plan sur la croix pendue au cou du personnage), est en train de connaître une belle carrière dans les festivals internationaux. Espérons qu’il revienne avec quelques trophées pour montrer aux cinématographies africaines qu’on peut très bien faire du très bon cinéma sur la base d’éléments typiquement locaux, le tout étant ensuite d’avoir une histoire et encore une histoire et toujours une histoire….

Mami Wata de C .J. ‘Fiery’ Obasi, avec Avec Rita Edochie, Uzomaka Aniunoh, Evelyne Ily, Emeka Amakeze, Kelechi Udegbe. Durée : 1h30

 

 

 

 

 

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