TOUT POUR LA MUSIQUE

Le cinéaste déjà auteur d’un biopic musical très inspiré en 2006 (« Walk the line » qui retraçait le destin du roi de la country Johnny Cash) revient en force après le très dispensable volet de la saga des Indiana Jones avec un octogénaire nommé Harrison Ford auquel ne manquait que le déambulateur. Des acteurs bluffants et une manière de traiter son sujet à contre-courant en n’élaguant jamais toutes les aspérités de son personnage. Le tout pour un hommage moins à l’icône Dylan qu’à sa musique qui inonde littéralement ces 140 minutes qu’on ne voit pas passer. 

James Mangold était entré dans la cour des grands en 1997 en offrant à Sylvester Stallone dans « Copland » un rôle totalement à contre-emploi. Déjà une volonté de traiter les sujets d’une manière plus transversale pour mieux hérisser son propos de toutes les aspérités dont hélas surtout les biopics sont dépourvus (« Bohemian Rhapsody » ou plus récemment le pathétique « One Love » sur Bob Marley). Dix ans plus tard, il triomphe avec une évocation pas toujours très tendre et franchement cash du roi de la country dans « Walk the line », offrant à River Phoenix un de ses meilleurs rôles. 

Le revoici de retour, après une « indianajoneserie » de trop avec un Harrison Ford sorti d’un EPAD le temps du tournage, avec cette fois Bob Dylan dans l’œil de sa caméra. Dylan, celui qui révolutionnera la folk, l’esprit rebelle à la voix d’abord nasale puis chargée de la rugosité qu’induisent les consommations d’alcool et de clopes. Bob Dylan et Joan Baez, l’apologue de la non-violence et de la paix sur terre. Ils se sont connus sur la scène et ont prolongé, bon an mal an, leur complicité hors des projecteurs.

UN FILM SANS HÉROS

Nous ne suivons que cinq années du parcours de ce jeune homme de vingt ans fraichement débarqué de son Minnesota dans la ville qui ne dort jamais. Peu de galère, les bonnes personnes rencontrées bien vite, les associations qui semblaient écrites : le destin est en marche et les choses vont s’accélérer. Outre Joan Baez, il croisera régulièrement Johnny Cash et quelques autres. Une fois le pied à l’étrier, ce fougueux gamin à peine sorti de l’adolescence va devenir plus populaire que ceux qui l’auront hissé si haut.

Le cinéaste va, durant plus de deux heures, offrir un hommage non pas à Dylan mais à sa musique et, métonymiquement à la musique tout court. Les séquences musicales sont somptueuses avec des plans rapprochés d’une fracassante beauté et ce savoir faire que n’ont jamais démenti les Américains (« Rocketman », « Bohemian Rhapsody »…) sans pour autant faire oublier ce personnage assez détestable qui semble vivre dans un autre monde. Mangold n’hésite pas à égratigner cette figure d’ange se comportant sinon comme un démon, tout au moins comme un mufle, tant face à ses producteurs que ses innombrables admirateurs. Les travers qui caractérisent le bonhomme (mépris, suffisance et dédain) vont lui conférer finalement un statut d’idole malgré lui et d’homme que la gloire a fini par désabuser. L’héroïsation n’est pas une pratique très « mangoldienne » et le regard que portent les proches du chanteur ne vont pas davantage jouer ce jeu-là, l’isolant irréductiblement de tout.

COMÉDIENS ET CHANTEURS

A la fois comédiens et chanteurs, les interprètes font un sans faute. Timothée Chalamet, bluffant dans le rôle titre, Edward Norton méconnaissable en Pete Seeger et la magnifique Monica Barbaro dont la voix fait constamment illusion avec celle de Joan Baez réussissent leur partition sans la moindre fausse note. Le film est nommé à de nombreuses reprises aux Oscars, BAFTA et Golden Globes. Il serait surprenant qu’il reparte bredouille…

Franck BORTELLE

Un parfait inconnu de James Mangold (2024) durée : 2h20.

Avec Timotée Chalamet, Edward Norton, Monica Barbaro.

Actuellement dans les salles de cinéma Canal Olympia

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