UN FÉLIN PAS COMME LES AUTRES

C’est à un concert de folie qu’ont assisté les très nombreux spectateurs venus applaudir et bouger aux multiples sons de ce jeune chanteur globe-trotteur originaire de Toulouse et qui a fait du métissage sa raison d’être. Le petit espace culturel « La Case des Dalton », flanqué dans le contrebas de la colline que domaine l’hôpital Sylvanus Olympio a résonné d’une ambiance où se côtoyaient toutes les diversités possibles, ethniques, musicales et artistiques, le tout rehaussé d’une indéniable qualité textuelle. Un moment suspendu où la communion des êtres semblait s’inscrire comme une évidence. Placé au programme des Afropéennes mais quelques semaines avant le lancement du festival, ce spectacle a donné le ton et le bon… Nous avons rencontré cet artiste chaleureux et tellement multiple qu’on pourrait le surnommer double voire triple Axel…

KARANGOU STUDIOS : Lorsqu’on écoute tes chansons, force est de constater qu’on peut les estampiller « à texte », cette appellation parfois mal contrôlée mais qui, là, se justifie pleinement. Les francophones auront d’ailleurs aisément repéré quelques références à commencer par celle, évidente, à Georges Brassens. La première question, pour partir des origines de ton groupe, portera sur le nom même que tu as choisi. Est-ce une référence à ce célèbre cabaret montmartrois qui a vu le jour à la fin du 19ème siècle, « Le chat noir » qui fut un lieu à la fois très décrié car jugé interlope et un vivier de talents, de Paul Verlaine à Maurice Chevalier ? 

AXEL : Alors, non. C’est un surnom qui m’a été donné lors de mes voyages notamment en Andalousie quand j’ai commencé comme musicien des rues. Ce sont les gitans qui m’ont appelé ainsi, « Le chat noir » en espagnol, car animal nocturne, félin de gouttière et légèrement brigand sur les bords. Et ce nom m’a collé à la peau depuis. 

KS : Tu fais fusionner avec beaucoup de pertinence bien des genres et bien des langues. Le mot « métissage » chez toi semble résonner comme une nécessité voire un mot d’ordre. Après le nom de ton groupe, peux-tu nous parler de tes influences, de ce qui constitue en quelque sorte ta ou tes bibles dans le domaine aussi bien textuel que musical ? A tout hasard je glisserais les noms de Stromae mais aussi les Casse-Pipes, Brigitte Fontaine, Debout sur le Zinc et tous ces groupes qui ont repris le flambeau de cette chanson dite « réaliste ».

AXEL : Mes influences musicales remontent à ma tendre enfance, lorsque j’avais neuf ou 10 ans, et que ma sœur écoutait du hip-hop américain. Je pense que mon album de chevet était « Métèque et mat » d’Akhenaton. Parmi les groupes que j’affectionné lorsque, j’étais encore en primaire, je ne peux pas passer sous silence NTM. Puis je me suis laissé bercer par les rythmes reggae ainsi que par la présence scénique de ces mecs-là. Puis, après la musique jamaïcaine, je suis descendu vers l’Amérique latine. La musique d’Amérique latine m’a littéralement adopté, moi qui n’avais pas trop réussi à trouver mes marques. Je suis parti au Brésil âge de 18 ans pour un très long voyage qui a duré pratiquement 10 ans. Ces voyages m’ont amené à découvrir toutes les musiques de ce vaste continent et elles sont très nombreuses et variées en passant du Guatemala à l’Honduras, de l’Argentine à la Colombie. Bien évidemment, j’ai été influencé également par Buena Vista Social Club, que j’écoutais déjà avec mon père.

Puis, lorsque je suis retourné en Espagne, j’ai eu une galère avec les autorités policières locales. C’est grâce à la rencontre que j’avais faite avec Manu Chao, peu de temps avant, que j’ai pu m’en sortir. Il m’a aidé à monter sur scène, m’a prêté sa guitare car on m’avait confisqué la mienne. L’influence de Manu a été déterminante. Et puis, comme tu le dis, effectivement, Stromae, la découverte de son Frazé, de sa poésie de sa musique ont été extrêmement marquante.

KS : Tes chansons évoquent de nombreux sujets sociétaux, y compris celui de l’orientation sexuelle : comment cela est-il perçu en Afrique où les choses tendent certes à évoluer mais où demeure encore un énorme travail à accomplir ?

AXEL : Oui, effectivement, mes chansons parlent de problèmes sociétaux, issue de mon expérience ou de mes observations, et il est évident que je ne pouvais pas m’empêcher de les écrire et de les crier. Je ne me considèrerais pas vraiment comme un artiste engagé, mais je suis quelqu’un qui fait parler la voix du bon sens. Et donc, parler d’homosexualité ou de bisexualité, sujet encore très tabou, autant en Afrique qu’en Amérique latine, c’était une manière de montrer, et de dire qu’on est ensemble, quelles que soient nos couleurs de peau, nos orientations sexuelles et autres. Pour l’instant, les évocations de la sexualité dans cette chanson qui s’appelle « Différent » n’a pas suscité de polémique particulière, ni de réaction, à part chez quelques expatriés qui sont venus m’en parler.

KS : La Ville rose dont tu es originaire était trop petite pour que tu puisses pleinement t’exprimer ? Comment on passe de Toulouse à l’Afrique de l’Ouest via  l’Amérique du sud ?

AXEL : Alors, le voyage c’était pour moi une forme de fuite. L’avenir qui m’était tracé n’allait pas dans le bon sens. Je pense que je m’orientais plus vers le banditisme, la violence, la prison. J’étais un gamin turbulent. Je cherchais quelque chose sans vraiment savoir quoi, mais enfin de compte, j’ai vite compris que ce dont j’avais le plus besoin, c’était de chaleur humaine. J’avais besoin d’une nouvelle famille, d’une terre d’accueil et j’ai compris plus tard que c’était le Brésil qui me l’avait apporté. Pour ce qui est de l’Afrique, après avoir passé 10 ans en Amérique latine et Amérique du Sud, j’ai voulu comprendre et voir les influences africaines sur toute cette musique  sud-américaine. Et ça a été une nouvelle vague de chaleur humaine dès que je suis arrivé, il y a six ans en Afrique, à Ouagadougou. Puis, après je suis allé au Sénégal, au Mali, à Cap-Vert, au Togo et au Bénin.

KS : Tu as chaleureusement remercié tous tes musiciens samedi soir et c’était plus que mérité car ils ont été formidables, tout autant que ces magnifiques danseurs venus d’Agbodrafo. Pour terminer cet entretien, je te laisse la parole à leur sujet…

AXEL : Pour ce qui est des gens qui m’entouraient au concert, en me les a proposés lors des Afropéennes il y a deux ans. Un délai extrêmement court pour eux pour apprendre mes chansons et créer quelque chose autour. Ce sont de grands professionnels de vrais bosseurs. J’ai assisté à énormément de concerts ici, et c’est en prenant des contacts que j’ai aussi pu rassembler toute cette famille autour de moi.

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