FÉTICHISME ET TERRORISME

La soirée de ce vendredi 22 mars aura permis au public de découvrir en toute première projection le nouveau film de l’Ivoirien Samuel Codjovi, « Le Fétiche » puis, pour certains probablement, de revoir le magnifique « Sira  » d’Apolline Traoré qui était présente pour répondre aux questions très nombreuses. Une très belle soirée de cinéma.

La salle de Canal Olympia Godopé était pleine à craquer à tel point que des chaises supplémentaires ont dû être ajoutées pour satisfaire ce public venu massivement. La soirée a débuté par une totale nouveauté avec le court-métrage « Le Fétiche », coproduction franco-bénin-togolaise avec une partie de l’équipe, dont le metteur en scène Samuel Codjovi, venue de la Côte d’Ivoire. Inspirée très librement d’un court récit occidental, le film raconte le fanatisme d’un homme paumé pour les fétiches. Il en emprunte un, persuadé que ce dernier lui apportera gloire et fortune, mais malencontreusement le perd… Un film qui met au coeur de son sujet des thèmes aussi variés que la confiance en soit, la récompense du travail et l’ambition. Des applaudissements nourris ont accueilli cette nouveauté.

« ACCROCHEZ-VOUS : ÇA VA SECOUER !« 

Puis ce fut la projection du très beau film d’Apolline Traoré, « Sira ». L’histoire d’une jeune peule qui traverse le désert avec sa tribu. Elle doit rejoindre son fiancé et l’épouser. Mais des terroristes prennent la tribu pour cible et orchestrent un véritable massacre. La jeune Sira est violée et laissée pour compte en plein désert. Elle devrait faire face aux pires douleurs (la faim, la soif, la peur) pour ne pas mourir.

La cinéaste avait prévenu l’assistance avant le début : « Accrochez-vous car ça va secouer ! ». Elle n’avait pas menti. Le film est en effet souvent d’une extrême violence sans pour autant que tout cela soit gratuit ni démonstratif. La nécessité de montrer les choses de manière crue est évidente : nous sommes dans un réalisme absolu. Mais face à cette violence, nous avons aussi, et c’est là l’essentiel, une femme dont la cinéaste dresse un saisissant portrait et que porte à merveille sur ses frêles épaules la sublime Nafissatou Cissé. Doté d’une image splendide, « Sira » est l’éclatante preuve que le cinéma féminin égale largement celui des hommes et parvient même à le dépasser, notamment dans l’audace. Apolline Traoré rejoint ainsi le cercle de ces cinéastes féminines qui n’hésitent pas à frontalement disséquer les choses, les travers humains, les souffrances comme le font les Kathyln Bigelow (« Detroit ») aux USA ou Catherine Breillat (« Sex is Comedy »), Nicole Garcia (« L’Adversaire ») ou Anne Fontaine (« Nettoyage à sec », « La fille de Monaco ») en France.

Marco Ferreri, le grand cinéaste italien, réalisait en 1984 un film intitulé « Le futur est femme ». Titre à l’époque un peu utopiste, en tout cas dans le cinéma. On peut dire aujourd’hui qu’il était plutôt prémonitoire…

Franck BORTELLE

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