LES TROIS FONT LA PAIRE

Un énergique divertissement qui fait la part belle aux bons mots qui fusent autant dans les textes des chansons que dans les intermèdes. La cuisse légère et le verbe haut, les deux Caroline s’amusent à nous amuser dans ce petit théâtre qui pourrait, son patronyme obligeant, être un personnage à part entière de cette parenthèse enchanteresse…

« Les enfants du Paradis », ce beau théâtre sis dans cette ville toute « petite pour ceux qui s’aiment d’un aussi grand amour » ainsi que le balance Garance en pleine face à son transis d’amour de Frédéric dans le film éponyme. A lui seul, ce lieu est une invitation à un retour en arrière, une plongée dans un monde que les moins de quatre-vingts ans ne peuvent pas connaître. Celui où la chanson dite réaliste roulait aux côtés de son homologue filmique dignement représenté par les Duvivier, Renoir, Carné. Cette chanson qui ne descendait pas dans la rue puisqu’elle y était née. Ces ritournelles chaloupées qui, au son du piano à bretelles, faisaient tourner les têtes et chavirer les coeurs. Elles s’appelaient Arletty, Frehel, Mistinguett, Damia, Odette Laure, toutes ces artistes qui chantaient l’amour, la drogue, le sexe, la prostitution, les hommes, le tabac. Des textes ciselés, aux rimes parfaites, souvent drôles, parfois d’une puissance émotionnelle inouïe mais toujours tintée de cette poésie populaire. Les dignes héritières de cette époque quasi révolue s’appellent aujourd’hui Juliette, Brigitte Fontaine, Marie-Paule Belle.

L’UNION FAIT LA FORCE

C’est à ce pan de la chanson française que rendent hommage à leur façon les deux Caroline, Loeb et Montier, avec pour postulat de départ de déglinguer un spectacle glamour. Deux tempéraments de feu, deux tessitures de voix différentes et donc complémentaires, deux énergies bouillonnantes qui n’hésitent pas à torpiller la bienséance et à appeler un chat un chat. Se lançant à la figure des horreurs qui feraient frémir le bourgeois, elles se livrent à un numéro de duettistes aussi désopilant que drôle dans la droite ligne du cabaret avec, ne l’oublions pas, l’excellent Vincent Gaillard au piano et au chant. Loin de leurs précédents spectacles (quoi que…), Barbara et Gréco pour l’une, Sagan et Sand pour l’autre, les deux artistes se sont associées pour le meilleur et pour le rire, l’union faisant la force et chacune agrémentant le contenu de son propre vécu (avec un clin d’oeil drôlissime à la cotonneuse ouate des années 80). Une touche de féminisme sans non plus appuyer inutilement, un zest de dérision et une bonne dose d’interactivité avec le public et le tour (de chant) est joué. Le tout avec de chatoyants costumes à commencer par cette tenue à la bichromie rappelant un tube de Jeanne Mas et soulignés d’éclairages parfaitement adaptés aux ambiances qui se succèdent. Dans la grisaille parisienne actuelle, voilà une récréation qui fait un bien fou et qui à tout pour euphoriser les plus moroses.

Franck BORTELLE

Les Caroline Avec Caroline Loeb, Caroline Montier et Vincent Gaillard.

Mise en scène : Flannan Obé.

Lumières : Arnaud Le Dû. Costumes : Stephan Janson.

Théâtre « Les Enfants du Paradis », 34 rue Richer, 75 009 Paris.

Tel : 0033(0)142460363 Lien : www.lesenfantsduparadis.fr

Tous les dimanches à 16h jusqu’à fin avril.

Au Festival d’Avignon du 3 au 21 juillet au Baretta à 16 heures.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *