VENGEANCE SANS PAROLE

Le plus célèbre cinéaste chinois des USA revient avec un film radical dans sa mise en scène (presque sans parole). Une vraie réussite avec pourtant une histoire plutôt banale où l’auteur du génial « Volte Face » en usant de sa grammaire cinématographique bien à lui, évite les poncifs du mélo pour mieux nous parler d’incommunicabilité. Avec en prime une musique géniale de Marco Beltrami (« Scream », « Die Hard ») et quelques clins d’oeil qu’apprécieront les cinéphiles.

Quelque part aux USA. La veille de Noël, un enfant est abattu d’une balle perdue au cours d’une bataille de gangs alors qu’il jouait avec ses parents dans le jardin. En tentant de rattraper les meurtriers, le père se fait canarder et prend à bout portant deux balles en pleine gorge. Il en sortira fortement handicapé et muet, sombrera dans l’alcool avant de se ressaisir et de préparer sa vengeance…

On sait John Woo grand cinéphile et amateur de cinéma français, son chef d’œuvre à ce jour « Volte face » rendant un hommage sans équivoque à Georges Franju (« Les yeux sans visage »). Doit-on pour autant voir dans son nouvel opus quasiment dépourvu de tout dialogue, un clin d’œil appuyé à Jacques Tati ? Pourquoi pas, le travail chez les deux cinéastes se rejoignant dans l’efficacité et les intentions sémantiques du procédé employé et qui constitue la grande originalité du film. 

Un film quasi muet donc, à l’instar du personnage principal, et qui  permet de jouer de focalisation interne en immergeant le spectateur dans le handicap du père. De ce parti pris nait la tension bien plus que si le film parlait mais également l’émotion brute et pure. Les séquences inévitables de douleur suite à cette perte contre nature se parent d’une aura tragique, que renforce une excellente musique de Marco Beltrami, lorsque seuls les regards et les gestes parlent. L’indicible autant que le non-dit vont primer tout autant que l’incommunicabilité qui préside pendant toutes les phases de deuil et mène vers une impasse. 

APRÈS BOORMAN, SODERBERGH ET CHABROL

Si l’originalité du scénario laisse à désirer (« Volte Face » démarrait déjà par un gamin trucidé) car présentant une vengeance jusqu’auboutiste déjà vue chez Boorman (« Le point de non-retour »), Soderbergh (l’excellent « L’anglais ») ou encore Chabrol (« Que la bête meure »), l’efficacité n’est pas en rade.

Avec des plans jouant sur plusieurs axes temporels et des séquences de fusillades avec force cascades et ralentis, le cinéaste de « Broken Arrow »), avec un joli clin d’oeil à Spielberg et un casting de haut vol (Joel Kinnaman exceptionnel), nous livre un film digne de son sens de l’esthétique avec un final éblouissant de poésie et de couleurs, évitant ainsi l’écueil de taille du mélo sirupeux où le pathos débarque avec ses grosses boites de mouchoirs…

Franck BORTELLE

« Silent Night » de John Woo sur les écrans en ce moment et dès le 29 décembre sur les plateformes Amazon.

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