ODE À LA FEMME

L’auteur de « Tableau ferraille » présente son nouveau film lors de la cérémonie d’ouverture de la Fête du cinéma francophone, le 19 mars prochain. L’occasion de discuter avec ce cinéaste phare du Sénégal et de ce magnifique hommage rendu aux femmes qu’est son dernier long-métrage, « Xalé, les blessures de l’enfance ».

Awa, jeune femme habillée de manière un peu provocante part en boite, accoste un homme et une fois chez lui, le trucide à coups de couteau. Retour en arrière de 10 ans lorsque la même jeune fille perd sa grand-mère, événement qui va déclencher une succession de faits parfois d’un sordide absolu…

Voilà un film qui décevra peut-être ceux qui s’attendront à trouver au détour d’un plan ou d’une séquence, un petit détail entrevu lors de leur séjour au Sénégal. Le cinéaste, lui-même originaire du pays de la Téranga, nous raconte avant tout une histoire avec bien évidemment l’humain au cœur de son dispositif scénaristique. Foin des Monument de la Renaissance et autres Iles de Gorée ou de N’Gor, l’effet carte postale n’est pas de mise et fort heureusement. 

UNE HISTOIRE DE FAMILLE

En puisant dans le quotidien d’un quartier plutôt défavorisé mais sans y ajouter la moindre touche misérabiliste, Moussa Sène Absa permet à ses personnages de vivre, de prendre pleinement possession de leur destin, fusse-t-il tragique. A la croisée de ces destinées nous trouvons un oncle sur lequel une opprobre bien légitime est jetée, un jeune « jumeau » de la magnifique Awa (et que défend avec panache la splendide Nguissaly Barry) qui économise sou après sou pour quitter le pays en pirogue, une tante qu’on veut marier de force à un homme qu’elle n’aime pas. 

Ce nœud très resserré de personnages principaux inscrit « Xalé » dans cette catégorie de films dits « intimistes ». Et même si les plans d’ensemble, notamment vus du ciel, sur les habitations offrent une respiration, nous sommes bien au cœur d’un drame, voire d’une tragédie. Une tragédie familiale qui commence par la mort de la grand-mère, véritable cataclysme qui va déclencher tout le reste de l’histoire. Cet hommage rendu à l’aïeule constitue l’amorce de celui que le cinéaste rend d’ailleurs à toutes les femmes. 

Car, bien qu’écrit et filmé par un homme, « Xalé » nous montre bien que la force est féminine et qu’il faut se méfier de cette puissance insoupçonnée aussi bien des vierges sans défense que des mères de famille…

CHANT ET MUSIQUE OMNIPRESENTS

Empreint également d’une spiritualité assez typiquement africaine, « Xalé » tente l’audacieux défi d’interludes musicaux comme l’ont fait les cinématographies occidentales depuis toujours, de « West Side Story » à « Agathe Clery », des « Demoiselles de Rochefort » à « 8 femmes ». On connait le goût du cinéaste, issu d’une famille de griots, pour le quatrième art, les titres même de ses films trahissant ce penchant (« Téranga blues », « Ça twiste à Popenguine » ou encore « Blues pour une diva »). Dans « Xalé », les phases de chant s’inscrivent dans le récit, sans donner l’impression d’un rajout, puisqu’elles constituent la personnification moralisatrice du subconscient.  

Ajouté à cet hommage rendu aux femmes, et peut-être même parce qu’il rend cet hommage, le film se refuse de présenter des situations lourdes de tragédie. La vie, ce seul luxe ici-bas ainsi que le chantait Brassens, reste le plus sûr garant de cet espoir qu’il ne faut pas laisser se consumer. Rien de plus normal alors que l’optimisme soit de mise dans ce film fort, puissant, à l’excellente interprétation, tant dans son propos social que dans la magnificence de ses images. 

Franck BORTELLE

« Xalé, les blessures de l’enfance » sera projeté à l’Institut français du Togo le mardi 19 mars à 20 heures présence du cinéaste. Entrée gratuite.

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