UN LONG, LONG, LONG CHEMIN…

La Case des Daltons a accueilli ce vendredi 8 mars la conférence de clôture de la 4ème édition de la campagne « S’aimer au naturel » qui avait démarré il y a quelques jours et totalement en ligne (cf notre article catégorie « divers »). Même si trop peu nombreux, le public, attentif aux prises de paroles de cinq intervenants, est reparti riche d’informations sur les ravages de la dépigmentation, thème central de cette campagne.

Expos photos (anciennes et contemporaines), conférence animée par cinq personnalités très diverses, le tout dans le décor atypique du centre culturel « La Case des Daltons » : tout concourait à la réussite de cette soirée de clôture de cette campagne « S’aimer au naturel », 4ème édition qui portait sur les dangers de la dépigmentation. Un sujet qui n’a malheureusement pas déplacé les foules, même si le public présent a montré un vif intérêt pour cette question, ainsi qu’en ont témoigné les interventions parfois provoquées par le maître de cérémonie et organisateur de l’évènement Alain Mouaka, journaliste et propriétaire du magazine « Pensées noires ». Reste à espérer que la parole poursuivra sa diffusion pour que la prise de conscience soit réelle…

La dermatologue Dovi-Téki Kokoé, seule femme dans les intervenants, était entourée du coach scolaire Kwami Bonin, de l’artiste message Zodoko Ekue, du collectionneur d’art, archiviste et artiste plasticien (en plus d’être le direct du lieu) Kokou Nouwavi et du linguiste et juriste Kafui Ekué. Tous les cinq ont alimenté de leurs connaissances le débat autour des ravages de la dépigmentation. Etymologie du mot « peau » en langue locale (« surface qui sied » : tout un programme…), nécessité de prévenir pour n’avoir pas à guérir en intervenant dans les écoles, vide juridique quant à la vente des produits éclaircissants reconnus dangereux, séquelles irréversibles parfois de leur utilisation, causes et conséquences de cette pratique nouvelle à laquelle les médias, la pub et les réseaux sociaux ne sont pas étrangers : la discussion a élargi le spectre au maximum pour décliner le sujet sous tous ses aspects.

« JE ME SENS SALE »

Il ressort de tout cela une profonde méconnaissance du mal provoqué par ces traitements ainsi qu’un trouble psychologique tragique chez ceux qui en font l’usage. « La majorité des gens qui viennent me voir pour se faire prescrire ces produits invoquent le fait qu’ils se sentent sales », a déclaré la dermatologue. On n’est effectivement pas loin de cette expression d’antan désignant les hommes dits « de couleur » et qui a fini par entacher d’insulte et souiller le mot « nègre » au départ pourtant dépourvu de toute connotation raciste. Colonisation, esclavage ont bien sûr été les premières causes de cette infériorisation qui, de manière atavique, a atteint les noirs d’aujourd’hui qui n’ont de cesse de prendre pour modèle l’individu à peau claire. A l’instar du complexe des cheveux crépus, la peau noire est perçue comme une faiblesse, une honte, une opprobre. La surmédiatisation de la société n’a fait qu’amplifier le phénomène dans lequel se sont engouffrés les lobbys pharmaceutiques dont la charge de scrupules ne pèse jamais bien lourd et face auxquels les pouvoirs publics préfèrent faire preuve d’une bien sélective cécité…

Aujourd’hui, les initiateurs de ce type de campagne se sentent parfois bien seuls. Leur détermination les fait pourtant avancer. C’est un parcours difficile car il implique de lutter à la fois contre un système, une industrie, des phénomènes de mode, des troubles psychologiques et contre le pire fléau de la terre, celui dont Senghor disait que celui qui le proférait se trompait de colère : le racisme…

Franck BORTELLE

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