UN INTENSE MOMENT DE PARTAGE

Il a le regard aussi frondeur et déterminé lorsqu’il danse que de douceur dans la voix quand il parle. Et il fait admirablement l’un et l’autre. Ce magnifique Sénégalais nous propose un spectacle destiné à faire entendre les voix de ces oubliés de la société et particulièrement en Afrique : les enfants handicapés. Le message est passé. En beauté !

Si en occident, les choses ont beaucoup évolué durant ces dernières décennies, il ne faut pas oublier que l’assignation à domicile était le lot commun de tous ces êtres nés différents qu’on ne voulait montrer par peur d’un opprobre collectif. En Afrique, continent où les croyances sont ancrées dans la culture, les enfants handicapés peuvent vite être assimilés à des créatures diaboliques ou sataniques et mis au ban de la société, parfois par leurs propres géniteurs.

LE HANDICAP AU COEUR DU SUJET

« C’est en prenant dans mes bras un enfant handicapé pour la première fois que j’ai ressenti tout l’amour qu’ils ont à donner et à recevoir », nous a dit Jules Romain Djihounouck à l’issue de sa représentation à l’Institut français le jeudi 14 décembre. C’est de là que lui est venue l’idée d’associer son art à cette cause qui, en Afrique, a encore besoin de beaucoup de soutien et de visibilité. Le Sénégal, d’où est originaire l’artiste et que connaît très bien l’auteur de ces lignes, demeure à certains égards bien en retard et le handicap, notamment moteur, y est encore perçu comme une honte et celui qui le porte comme un être qu’on ne montre pas, avec lequel on ne sort pas dans la rue. La route est encore longue pour faire reconnaître ne serait-ce que la légitime humanité de ces personnes « différentes ». 

DES CHORÉGRAPHIES TRÈS ABOUTIES

La noble cause que défend aussi ardemment ce magnifique artiste ne doit pas faire oublier sa performance scénique. Sur des textes et musiques puissants de Rama Kone, Al Faruk, il va déployer un impressionnant panel de figures dont même les néophytes pourront apprécier autant le jusqu’auboutisme des mouvements que la recherche d’originalité. Une impression permanente de voir un danseur se dépasser et aller chercher plus loin que bien de ses confrères la parfaite précision dans l’utilisation des parties de son corps pour en délivrer des numéros très aboutis. Le tout sur une mise en scène très minimaliste et un décor composé de deux miroirs qui se font face selon une diagonale de part et d’autre de la scène, comme pour mieux traduire ce que nous sommes et l’image parfois coupable que nous renvoyons face aux obstacles que la vie met sur notre route.

Ce spectacle (dont le titre signifie « éclairé » en wolof) était au départ prévu comme un trio avec l’auteure de la chanson (Rama Kone) et celui du slam entendu sur scène (Al Faruk). Ce dernier est décédé deux jours après avoir envoyé cet unique enregistrement que Jules Romain Djihounouck a décidé de maintenir dans son spectacle comme un hommage : « Quand je fais « Nitt », je voyage avec lui, c’est la voix de cette belle personne que j’ai envie que les gens découvrent ». 

Assurément une belle personne également dans cet artiste chaleureux qui sans oublier que « The show must go on », fait preuve d’une belle générosité et d’une humanité salvatrice. 

Franck BORTELLE

Chorégraphie et interprétation :

Jules Romain Djihounouck

Regards extérieurs : Sylvie Duchesne, Hardo Ka, Fatima Ndoye, Ismaël Guira Musiques et textes : Rama Kone, Meta Beat et Al Faruk

Création lumière : Faly Diaw et Daouda Zerbo

Costumes : Moussa Watt

Régie générale et lumières : Agathe Geffroy Administration/production/ diffusion : Aude Taligrot, Compagnie Jules Romain

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